
Tensions dans le détroit d’Ormuz : Que risque l’Afrique en cas de fermeture ?
À la suite de l’intensification des frappes américaines visant des sites militaires stratégiques en Iran, le Parlement iranien a voté en faveur de la fermeture du détroit d’Ormuz, un passage maritime vital par lequel transite environ 20 % du pétrole mondial. Bien que cette décision attende encore la validation du Conseil suprême de sécurité nationale iranienne, la chaîne publique Press TV a confirmé que le vote parlementaire a bel et bien été entériné.
Cette initiative iranienne, perçue comme une réponse directe à l’escalade militaire, alimente les inquiétudes d’un embrasement régional et d’une flambée brutale des prix de l’énergie. Washington aurait sollicité la médiation de Pékin pour tenter de contenir la crise et éviter un choc global.
Un goulet stratégique sous tension
Le détroit d’Ormuz, situé entre le golfe Persique et la mer d’Arabie, est une voie maritime étroite mais importante. Il ne mesure que 33 à 50 kilomètres de large, mais permet le passage de superpétroliers transportant jusqu’à 20 millions de barils de brut par jour, selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA). En 2023, la valeur annuelle de ces flux pétroliers atteignait près de 600 milliards de dollars. Ce couloir est essentiel non seulement pour l’Iran, mais aussi pour l’Arabie saoudite, le Koweït, le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Irak.
L’Afrique face à un choc pétrolier imminent
La fermeture du détroit aurait un impact dévastateur pour les économies africaines, dont la plupart dépendent largement des importations de pétrole bon marché. L’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria figurent parmi les pays les plus exposés. À titre d’exemple, le Kenya a récemment prolongé son accord avec trois entreprises nationales du Golfe – Saudi Aramco, Emirates National Oil et Abu Dhabi National Oil – pour sécuriser son approvisionnement en carburant.
Si les flux pétroliers sont perturbés, les répercussions se feront rapidement sentir : augmentation du coût du transport, flambée des prix du carburant, et par ricochet, inflation généralisée. Goldman Sachs estime qu’un tel scénario pourrait entraîner une hausse immédiate de 10 dollars par baril.
Déjà des signaux d’alerte
Selon Reuters, les tarifs des superpétroliers ont doublé en l’espace d’une semaine, dépassant désormais les 60 000 dollars par jour. Plusieurs navires ont même rebroussé chemin, signe que les acteurs du secteur maritime anticipent de graves perturbations. Pour contrer la menace, l’Arabie saoudite a réactivé son oléoduc Est-Ouest, capable de détourner jusqu’à 5 millions de barils par jour, contournant ainsi le détroit d’Ormuz.
Toutefois, cette solution ne compensera pas l’ensemble des volumes concernés. Même des pays producteurs comme le Nigeria ou l’Angola pourraient voir leurs recettes pétrolières s’effondrer, en raison de la volatilité accrue du Brent et du ralentissement logistique mondial.
Un tournant stratégique pour l’Afrique ?
L’analyste énergétique Omono Okonkwo, interrogée par Business Insider Africa, estime que la fermeture du détroit aurait des conséquences « immédiates et graves » sur le marché pétrolier mondial. Elle anticipe une possible explosion des prix dans les jours qui suivent la mise en œuvre effective de cette mesure.
« Une telle crise pourrait aussi agir comme un électrochoc pour le continent, l’incitant à renforcer ses capacités de raffinage locales et à investir dans ses infrastructures énergétiques », souligne-t-elle. En clair, la dépendance aux importations expose crûment la vulnérabilité structurelle de nombreux pays africains face aux crises géopolitiques mondiales.
Une équation diplomatique complexe
Au-delà des enjeux économiques, l’initiative iranienne place les États africains dans une situation délicate. La plupart entretiennent des partenariats étroits avec les pays du Golfe ainsi qu’avec les États-Unis. Dans un contexte international de plus en plus fragmenté, cette crise met en lumière l’urgence pour l’Afrique de définir une politique énergétique et étrangère plus souveraine, capable de conjuguer diversification des sources d’énergie, autonomie stratégique et neutralité diplomatique.
La situation dans le détroit d’Ormuz n’est pas qu’une tension régionale : elle est un signal d’alarme mondial. Pour l’Afrique, elle sonne peut-être l’heure de repenser son avenir énergétique.