Guerre Israël-Iran :  »l’occident se trompe sur l’Iran », Magaye Gaye, Economiste International

Guerre Israël-Iran :  »l’occident se trompe sur l’Iran », Magaye Gaye, Economiste International

Lors d’un entretien que nous a accordé Magaye Gaye, économiste international et ancien cadre de la BOAD, celui-ci alerte sur ce qu’il considère comme une grave erreur stratégique de l’Occident et de ses alliés : traiter l’Iran comme un simple acteur régional à neutraliser. Selon lui, cette perception réductrice traduit une profonde méconnaissance de la réalité iranienne.

 »L’Iran n’est ni arabe ni soumis, mais perse, souverain, fort de son histoire et de son identité. Il n’agit pas dans une logique d’allégeance ou de compromission, mais selon une ligne de dignité, de cohérence et d’indépendance assumée depuis la révolution de 1979 », affirme-t-il.

Cette méconnaissance s’exprime aussi dans l’obsession de l’Occident à affaiblir ou contenir ce pays. Pourtant, l’Iran est bien plus qu’un acteur régional : il est l’héritier d’une civilisation plurimillénaire, d’un empire qui a précédé l’islam et contribué à façonner l’histoire du monde. Il porte une foi profondément ancrée, un sentiment national puissant, et une capacité de résistance multidimensionnelle : politique, militaire, technologique et idéologique.

Magaye Gaye dénonce en outre l’hypocrisie de certaines positions occidentales, à commencer par la France, qui condamne la Russie pour son attaque contre l’Ukraine au nom du droit international, mais valide en même temps des frappes dites préventives d’Israël contre l’Iran, sans agression directe préalable. Il y voit une flagrante contradiction : deux poids, deux mesures. Alors que l’Iran est signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et placé sous la surveillance de l’AIEA, Israël, qui ne reconnaît aucun de ces cadres, détient des armes nucléaires en toute impunité. Cette situation alimente l’injustice perçue et mine la crédibilité morale de l’Occident.

L’argument d’une « menace existentielle » posée par l’Iran à Israël ne justifie pas, selon Gaye, une attaque militaire. Car un discours idéologique, aussi discutable soit-il, ne peut servir de fondement à une intervention contre un État souverain, en l’absence de violation concrète du droit international. Accepter cela reviendrait à légaliser une insécurité permanente basée sur des interprétations subjectives, et à ouvrir la voie à une ère de chaos où la force primerait sur le droit.

L’auteur va plus loin en identifiant, derrière cette hostilité affichée, une stratégie occidentale plus vaste et structurée. Celle-ci viserait d’abord à utiliser Israël comme bras armé dans des actions de déstabilisation ciblées, notamment contre des groupes comme le Hezbollah ou le Hamas. Ensuite, elle s’en prendrait directement à l’Iran, vu comme un pivot régional difficile à dominer. Puis viendrait le tour de la Turquie, autre puissance autonome du Moyen-Orient. Enfin, cette stratégie viserait à contenir l’islam politique dans son ensemble et à redessiner l’ordre régional en fonction d’intérêts exogènes. Une telle approche, alimentée par les services de renseignement, les réseaux médiatiques et une diplomatie sélective, repose néanmoins sur une erreur fondamentale : il est impossible de gouverner contre les peuples, contre la souveraineté, contre l’histoire et contre la foi.

Pour étayer son propos, Magaye Gaye rappelle deux épisodes marquants de l’histoire contemporaine. En 1980, l’opération Eagle Claw lancée par les États-Unis pour libérer des otages en Iran échoua lamentablement. Et de 1980 à 1988, la guerre Iran-Irak, durant laquelle l’Occident soutint Saddam Hussein, n’a pas permis de faire tomber la République islamique. Au contraire, ces épreuves ont consolidé la position de l’Iran dans la région.

Depuis lors, l’Iran a multiplié les alliances, notamment avec la Russie et la Chine, accru sa légitimité dans ce que l’on appelle le Sud global, développé des capacités de dissuasion et des outils cybernétiques avancés. Il s’est forgé une posture stratégique que l’Occident continue de sous-estimer, au risque de se retrouver à nouveau face à un échec.

Dans le contexte actuel, après l’enlisement occidental en Ukraine, ouvrir un nouveau front au Moyen-Orient face à l’Iran serait une nouvelle erreur majeure. Il ne s’agira pas simplement d’un conflit, mais d’un bourbier profond, d’un affrontement mal compris entre des visions du monde, entre des puissances désorientées et un pays doté d’une longue mémoire, d’une foi enracinée et d’une patience stratégique. Ce choc, si mal abordé, pourrait signer non seulement une défaite militaire, mais surtout une faillite morale de l’Occident.

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