
Entretien : un journaliste d’investigation décrypte les dynamiques de la coopération sino-sénégalaise
À l’occasion du Nouvel An chinois, nous avons interviewé Babou Diallo, journaliste d’investigation au Sénégal et coordonnateur du Consortium des Journalistes Professionnels Africains pour le Renforcement de la Coopération Sino-Africaine (CJPASA), afin de décrypter les dynamiques de la coopération sino-sénégalaise. Placée sous le signe du Serpent de bois, l’année 2025 incarne régénération, croissance et stratégie à long terme, des valeurs ancrées dans la culture orientale où le serpent symbolise sagesse et transformation.
Présentez vous à notre audience.
Bonjour, je m’appelle Babou Diallo.
Je suis journaliste d’investigation avec près de 20 ans d’expérience, collaborant avec des médias sénégalais et internationaux. Par ailleurs, je suis le représentant du Consortium des Journalistes Professionnels Africains pour le Renforcement de la Coopération Sino-Africaine (CJPASA) au Sénégal.
Nous sommes au début d’une nouvelle année. Quels sont les vœux que vous souhaitez formuler à l’endroit de la Communauté Chinoise vivant au Sénégal ?
À l’occasion du Nouvel An chinois, l’année du Serpent, je tiens à adresser mes vœux les plus chaleureux à tout le peuple de la République populaire de Chine.
Que cette nouvelle année soit placée sous le signe de la paix durable, de la santé, de la prospérité, et surtout, qu’elle renforce la coopération et l’harmonie entre l’Afrique et la Chine.
Le président Xi Jinping met en avant la coopération Sino-Africaine. Quels sont les opportunités que cela ouvre à votre organisation ?
Tout d’abord, il convient de saluer la décision du Président Xi Jinping de mettre en avant la coopération sino-africaine, surtout dans un contexte géopolitique global quelque peu complexe.
Cela pourrait marquer un tournant décisif pour notre organisation, le CJPASA. En tant que professionnels des médias, nous l’avons créée dans le but de renforcer les relations bilatérales entre nos deux peuples. En plaçant la coopération sino-africaine au cœur de ses priorités, nous, journalistes et communicants du CJPASA, nous trouvons directement interpellés.
Nous devons être en première ligne pour soutenir et promouvoir cette coopération, en en facilitant la compréhension au sein des peuples africains. En tant que porte-paroles, il nous est impossible de rester passifs. Nous exprimons notre ferme volonté d’être au cœur de ce partenariat et de diffuser les messages essentiels de manière claire et intelligible.
Quelles sont les activités que vous prévoyez mener au cours de cette année 2025 ?
En 2025, la Coordination du Consortium des Journalistes Professionnels Africains pour le Renforcement de la Coopération Sino-Africaine (CJPASA) Sénégal prévoit plusieurs initiatives visant à renforcer les échanges et la compréhension des relations sino-africaines.
Parmi ces activités, un atelier de renforcement des capacités sur la présence de la Chine en Afrique abordera les enjeux et perspectives de la coopération. Cet événement réunira des experts pour discuter des relations économiques, diplomatiques et culturelles. À la suite de cet atelier, une matinée d’échange sera organisée à Dakar avec les journalistes sénégalais et les autorités de l’ambassade de Chine.
Un forum annuel sur les relations sino-africaines offrira une plateforme de dialogue sur les grands défis de la coopération entre les deux partenaires. Il comprendra des discussions, des conférences et des ateliers thématiques sur des sujets tels que l’économie, les infrastructures, l’environnement et les échanges culturels. Cet événement rassemblera des journalistes, chercheurs, diplomates, représentants gouvernementaux et entrepreneurs chinois et africains. Il se tiendra à Dakar, avec des sessions virtuelles pour permettre une participation élargie.
Un programme de mentorat entre journalistes africains et chinois sera mis en place pour renforcer les compétences des journalistes africains en matière de couverture des relations internationales et de la coopération sino-africaine. Il inclura des ateliers sur le journalisme d’investigation, la couverture des investissements chinois en Afrique et l’éthique journalistique. Le programme prévoit également des échanges de journalistes entre les deux continents pour une immersion au sein de rédactions chinoises et africaines. Il s’étendra sur une durée de six mois et comprendra des visites professionnelles.
Un concours de journalisme sur les initiatives de coopération sino-africaine sera lancé afin d’encourager une couverture approfondie des projets renforçant les liens entre la Chine et l’Afrique, avec un accent particulier sur le Sénégal. Ce concours récompensera les meilleurs reportages écrits, audiovisuels ou multimédias portant sur des thèmes tels que les infrastructures, les investissements, la culture, l’éducation et le commerce. Il s’adressera aux journalistes africains, jeunes reporters et étudiants en journalisme.
Des missions de terrain et visites d’échange en Chine et en Afrique permettront aux journalistes d’observer directement l’impact des initiatives chinoises en Afrique et vice-versa. Ces visites comprendront des déplacements sur des projets financés par la Chine au Sénégal (routes, hôpitaux, écoles), ainsi que des voyages en Chine pour permettre aux journalistes africains de découvrir des projets chinois. Plusieurs sessions seront organisées au cours de l’année.
Enfin, des ateliers sur la diplomatie publique et les relations internationales seront organisés pour approfondir la compréhension des dynamiques géopolitiques entre la Chine et l’Afrique. Ces formations porteront sur la diplomatie publique, le rôle des médias dans les relations internationales et l’impact des relations sino-africaines sur la géopolitique mondiale. Elles réuniront des journalistes, des analystes politiques et des experts en relations internationales.
Quelle analyse faites vous à ce jour des relations bilatérales entre le Sénégal et la République Populaire de Chine ?
Sans me tromper, je pense que les relations entre nos deux pays se portent à merveille, comme en témoignent les solides liens commerciaux qui se développent.
Cela est particulièrement visible à Dakar, dans le quartier de la Médina, aux Allées Centenaires, où se trouvent les échoppes des commerçants chinois, que les Sénégalais surnomment désormais « China Town ».
Sur le plan des infrastructures, les entreprises chinoises jouent également un rôle majeur, notamment dans les secteurs du BTP et de la construction d’infrastructures routières. L’exemple de l’autoroute à péage Mbour-Fatick-Kaolack, ainsi que la construction du pont de Foundiougne, sont des réussites visibles du partenariat sino-sénégalais. À la lumière de ces réalisations, il est évident que les relations entre nos deux nations se portent bien.
La Chine, déjà un partenaire économique majeur du Sénégal, renforce ainsi ses engagements en faveur du développement durable du pays. Au cours des vingt dernières années, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique, le premier investisseur dans les pays africains et leur premier créancier. Elle a réalisé plus de 250 milliards USD d’échanges avec les pays africains en 2022. Le pays a également alloué 134 milliards USD de prêts en cours avec les pays africains et intensifié ses échanges avec le continent et investit plusieurs domaines.
Selon les chiffres de la présidence du Sénégal en date de 2018, les investissements de l’empire du milieu s’élèvent aujourd’hui à 1.156 milliards de FCFA. Depuis l’accession du président Macky Sall au pouvoir en 2012, environ 900 milliards de FCFA avaient été mobilisés pour le financement de nombreux projets dans plusieurs secteurs.
Les exportations du Sénégal vers la Chine se chiffraient à plus de 115 millions d’euros en 2017, les principaux produits exportés vers la Chine étant des minerais (zircon et titane) et les arachides. La Chine est le premier pays importateur d’arachides sénégalaises, dont les ventes ont atteint 45 milliards de Francs CFA (68,6 millions d’euros) en 2017 contre 24 milliards de FCFA (36,5 millions d’euros) en 2016.
La Chine est aussi le deuxième fournisseur du Sénégal après la France. Les importations de la Chine sont passées de 227 milliards FCFA (plus de 346 millions d’euros) en 2013 à 367 milliards FCFA (plus de 559,4 millions d’euros) en 2017. Cette évolution est expliquée par l’accroissement des importations des produits tels que les appareils de réception, les compteurs d’électricité et les matériaux de construction (tubes, tuyaux et matériel en fer).
Lors du dernier Forum sur la coopération Chine-Afrique qui s’est tenu à Beijing, le Président Diomaye Faye a indiqué que »le Sénégal est prêt à travailler en étroite collaboration avec la Chine pour assurer un plein succès du sommet de Beijing, et le Sénégal apprécie hautement l’Initiative « la Ceinture et la Route », ainsi que l’Initiative pour le développement mondial, l’Initiative pour la sécurité mondiale et l’Initiative pour la civilisation mondiale proposées par le président Xi Jinping ».
De mon point de vue, j’aimerais voir une présence chinoise encore plus marquée au Sénégal dans le domaine agricole, notamment avec un transfert de technologie adapté à ce secteur.
Le Sénégal, sous la conduite de ses nouvelles autorités, se tourne de plus en plus vers la souveraineté alimentaire. Dans ce contexte, il serait souhaitable que la Chine mette son expertise à disposition, particulièrement dans la production de riz et d’autres cultures stratégiques pour atteindre cet objectif. J’espère également que la Chine pourra contribuer au développement technologique de l’agriculture sénégalaise.
Enfin, il serait bénéfique de renforcer les échanges universitaires entre nos deux pays. En tant que journaliste, je m’attends également à ce que la Chine soutienne les journalistes sénégalais, mais aussi africains, en matière de formation et d’acquisition de nouvelles technologies, notamment dans un contexte où des innovations comme l’IA et la DeepSeek commencent à transformer le paysage médiatique.
Donnez votre mot de Fin
Le mot de la fin est de souligner que le CJPASA est une organisation de journalistes africains pleinement conscients des enjeux actuels. Dans cette optique, nous soutenons résolument le renforcement du partenariat entre la Chine et l’Afrique, convaincus que ces relations doivent être basées sur un principe de « gagnant-gagnant », au bénéfice de nos peuples respectifs.
Auteur : G. M. Noé